Depuis plusieurs mois, la Tunisie fait face à une pénurie de pommes de terre, provoquant une flambée des prix et alimentant un marché parallèle nourri par la spéculation. Cette crise met sous pression les consommateurs, les commerçants et les autorités, chacun confronté à des défis spécifiques.
À Ras Jbel, une région reconnue pour sa production de pommes de terre, les habitants se retrouvent contraints d’acheter des tubercules provenant d’autres régions à des prix exorbitants. « C’est vraiment trop cher. On a compris qu’il y avait un manque sur le marché à cause de la sécheresse, mais c’est cher quand même », déclare Hamza Baroumi, un retraité de 70 ans. Un autre client, Mohamed, un fonctionnaire de 60 ans, exprime son mécontentement : « C’est quoi ça ? Des pommes de terre à deux dinars le kilo, et en plus, elles sont cabossées et ne sont pas très bonnes. »
La pénurie s’explique par une conjonction de facteurs climatiques et économiques. Ali Souini, un agriculteur basé à Ras Jbel, revient sur les difficultés rencontrées : « Les deux dernières années ont été difficiles à cause du manque de pluie. Donc j’ai dû réduire mes parcelles de culture de pommes de terre, faute d’une bonne irrigation. Ensuite, le prix des semences qui sont importées a énormément augmenté, tout comme les coûts ici de main-d’œuvre, d’engrais, etc. »
Face à cette situation, les commerçants doivent s’adapter comme ils peuvent. Saïd Ben Aissa, un maraîcher de la région, précise : « Les pommes de terre au prix fixé par l’État, à 1 dinar 900, ce sont celles qui ont été récoltées dans la région et stockées depuis l’été. Celles que je vends, ce sont les pommes de terre dites “nouvelles”, qui viennent d’une récolte plus récente. Donc évidemment que c’est plus cher. »
Pour contrer le marché noir et la spéculation qui ont aggravé la crise, les autorités ont intensifié les saisies de stocks illégaux. Des patrouilles de sécurité contrôlent également les prix sur les marchés. Cependant, ces mesures ont des répercussions négatives pour certains commerçants.
À Ras Jbel, Saïd Ben Aissa se dit pris dans un engrenage : « Avec les contrôles, on est mis dans le même paquet que les spéculateurs si jamais on se fait arrêter sur la route. » À Tunis, au marché de Sidi Bahri, Moustapha, vendeur d’oignons, raconte : « Imaginez ici, tout le monde me connaît, je ne vends que des pommes de terre. Et là, je me retrouve à vendre trois pauvres oignons qui se battent en duel. Pourquoi ? Parce que les agriculteurs qui ont des pommes de terre actuellement ne peuvent pas venir nous les vendre directement. »
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La situation semble toutefois s’améliorer dans certaines régions. À Beja, au nord de la Tunisie, les pommes de terre sont désormais disponibles en quantités suffisantes, et le transit des camions les transportant a été facilité. Cette évolution pourrait annoncer un retour progressif à la normale, bien que les tensions demeurent palpables.